A l'occasion d'un atelier organisé par la Médiathèque de la ville de Houilles et remarquablement animé par la comédienne Peggy Hartmann, il a été possible de toucher du doigt combien la voix était précieuse...
Les émotions et la voix… Quels liens ?
Par définition, une émotion est ce qui sort de soi-même. L’étymologie latine du mot lui donne :
--> Ex : vers l’extérieur
--> Movere : Mouvoir, agiter- (en anglais « motion » signifie mouvement)
La voix s’entend : c’est une vibration de l’air, émise par les cordes vocales qui agissent comme un instrument à vent et dont on joue différemment en fonction de notre état psychique.
La peur, la tristesse, la joie ont une répercussion directe sur notre façon de parler. Une voix est d’ailleurs dite « assurée, chevrotante, tremblante, ferme, etc.. ».
La respiration joue un rôle important car le souffle est le porteur physique du son émis par nos cordes vocales. Lorsque la respiration est saccadée, la parole n’est pas fluide, le son sort mal.
La peur par exemple modifie en profondeur le son : soit en le rendant aigu, soit en diminuant son volume, en accélérant le débit de paroles ou au contraire en le figeant.
Des paramètres décrits dans l’article « la voix, véhicule des émotions » de Sciences et Avenir complètent l’explication de ce phénomène :
Le larynx est soumis à l’action du nerf vague, qui constitue lui-même un nerf majeur dans le système nerveux :
« En cas de grande émotion, il se contracte, donnant la sensation de "gorge serrée", le souffle passant alors difficilement et la voix se brisant". De plus, deux bandes musculaires situées au-dessus des cordes vocales (baptisées "fausses cordes vocales") se contractant en cas d'anxiété et la voix sort plus difficilement. »
Dans les films, les modulations de la voix, son rythme, son intonation et le respect de ponctuations sont essentiels et doivent être en parfaite adéquation avec les paroles traduites, dont les mouvements labiaux doivent de surcroit correspondre à ceux des personnages.
Cela permet l’harmonisation globale avec les images, la musique, les intentions du réalisateur.
Comment faire passer les émotions dans la voix ?
Le doublage de film repose sur une équipe:
C'est tout le rôle de l'équipe de doublage depuis le chef de plateau jusqu'aux comédiens en passant par l'ingénieur du son.
Le chef de plateau donne le ton général, explique le film et son ambiance à l'équipe ; il prend les décisions lorsque des choix s'offrent à lui.
Au préalable le film est notamment passé par les mains d’un auteur adaptateur qui étudie le film dans sa langue originale tout en faisant appel à des traducteurs qui retranscrivent intégralement les textes et la ponctuation.
L'ingénieur du son donne "corps" aux sons (voix et bruitages), permet à la bande sonore de se caler harmonieusement sur le film, en calant à l'image près par exemple les début et/ou fin de mouvements labiaux pour correspondre parfaitement à la voix de doublage.
Les comédiens, quant à eux, donnent vie aux personnages par le simple biais de leur voix… Un rôle quasi anonyme mais essentiel !
Petits trucs et astuces pour y parvenir,…
Le geste doit s’allier à la parole : la posture est importante. Les comédiens en studio gesticulent pour s’aider à « sortir » le bon son.
Lorsqu’on pousse un objet lourd par exemple, l’effort s’entend dans la voix en raison de la compression des muscles, de la position du corps. Lorsque le comédien en studio se place dans une position similaire, il retrouve des conditions similaires. Une grande difficulté toutefois : les studios sont petits : il n’est pas possible de beaucoup bouger, surtout lorsque plusieurs comédiens sont ensemble. Par ailleurs, le comédien doit rester près du micro d’enregistrement en permanence afin de ne pas nuire à la qualité du son.
Cela permet de comprendre le rôle et l’enjeu qui repose sur le comédien de doublage, ainsi que son talent.
Se placer mentalement dans l’atmosphère, dans la peau du personnage. Il faut « vivre » le film ; en quelque sorte, il faut y croire soit même pour être crédible.
Tout est écrit : les temps d’inspiration ou les bruits réalisés par la bouche avec la langue sur le palais (agacement, réflexion, …), les hésitations (euh, ehm,…). L’utilisation de ces petits rajouts permet aussi de caler correctement les mouvements labiaux des personnages sur la voix de doublage.
Pour en rire…
Notre doublage d’un film d’horreur avec Steve Mac Queen « The Blob »… Ou comment transformer l’horreur en rire car chacun y a mis du sien pour doubler toutes les voix.
Quelques petites anecdotes de studio…
1. Les voix résonnent différemment en intérieur ou en extérieur. Mais comme le doublage se passe en studio, l’utilisation de rideaux acoustiques permet de se rapprocher des conditions intérieures tandis qu’une salle plus vaste laisse le bruit se diffuser comme en extérieur.
2. Il y a régulièrement qu’un seul comédien à la fois dans le studio : les dialogues sont le résultat du travail de montage. Chaque comédien parle seul…
3 Un comédien a généralement 2 ou 3 voix habituelles à son actif afin de ne pas les changer d’un film à un autre (cas des séries, des dessins animés à épisodes,.. ). Cela pose le cas des doublage d’enfant : soit un adulte s’en charge, soit un enfant du même âge est convié (qui grandit en même temps que son personnage de film) ou bien encore le comédien de doublage est remplacé pour sa voix d’adulte.
4. Le comédien de doublage ne voit pas le film dans son intégralité… il le découvre une fois le montage réalisé. Tout comme les scènes sont tournées dans le désordre, les séquences de doublage ne sont pas réalisées selon le déroulé final du film.
5. Une personne peut effectuer plusieurs voix pour le même film (exemple un vendeur, puis un peu plus tard un passant puis un grand-père, …).
6. La voix s’échauffe avant de travailler. Cela est vrai pour les chanteurs, comédiens ou tout autre profession utilisant la parole : enseignement, sophrologie,…
Petits jeux des émotions:
Dire une même phrase avec une sensation de : peur, joie, colère. , tristesse
Utiliser par exemple la phrase : demain je vais à la bibliothèque rendre mes livres !
Dire un petit texte sans adéquation avec l’émotion liée.
Par exemple : « je ne suis pas d’accord ! C’est scandaleux ! Comment oses-tu me demander cela ?! »
Dire ces phrases avec colère, avec joie, avec tristesse.
… Dans quel cas cela vous paraît-il plus simple à dire ?
Dans un cas il y adéquation, dans les autres cas, cela même peut paraître comique tellement l’inadéquation est flagrante.
Les plus grands remerciements à :
La médiathèque Jules Verne de la ville de Houilles pour l’initiative et l’organisation de cet atelier- en particulier Nadia.
Pour suivre les actualités de la bibliothèque de Houilles et des communes de la Boucle de Seine associées, cliquez ici :
La comédienne médiatrice Peggy Hartmann et l’association culturelle « Et si les images »
et/ou
Et pour en savoir plus sur le processus : « la voix, véhicule des émotions » un article intéressant et simple de Sciences et Avenir :
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